Garder l’élevage au frais, pour ne rien perdre du vivant

Publié le 17.06.2025

Le réseau CRB-Anim rassemble des biobanques qui conservent dans le froid les ressources génétiques et génomiques d’une multitude d’espèces animales élevées en France. Un outil de recherche essentiel en soi, mais aussi un filet de sécurité pour les éleveurs face aux risques sanitaires et à l’érosion de la biodiversité.

Semences, embryons, tissus… Plusieurs centres de ressources biologiques (CRB) français conservent, analysent et distribuent des échantillons issus des animaux d’élevage ou de compagnie. Ces banques du vivant forment un maillage discret, mais essentiel pour la science, l’élevage et la biodiversité domestique. Gardiennes de notre patrimoine zoogénétique, elles sont un atout stratégique pour les transitions agricoles et la pérennité de ces activités clés à notre économie.

Contrairement aux idées reçues, le matériel biologique ne dort pas à jamais dans l’azote liquide ou des congélateurs. Chaque année, entre 15 000 et 30 000 mouvements d’échantillons sont enregistrés. « Ce n’est pas un musée », insiste Michèle Tixier-Boichard, responsable du réseau CRB-Anim, labellisé IBiSA. « C’est une collection vivante, en perpétuelle évolution ». Initialement conçue pour préserver des races locales menacées, la cryoconservation permet désormais de suivre l’évolution génétique des animaux, d’analyser leur diversité au sein d’une espèce, de caractériser des anomalies génétiques ou d’étudier des maladies. Stocker, c’est anticiper et documenter le vivant sur le long terme.

Une biodiversité nationale sous haute protection

Du bovin à la coquille Saint-Jacques, en passant par les poissons, les chiens, les volailles et les huîtres, 25 espèces sont aujourd’hui couvertes par les CRB dédiés aux animaux de rente et domestiques. D’autres pourraient suivre, comme la caille ou l’abeille. Mais ce n’est pas si simple, car chaque espèce et chaque tissu demande un protocole spécifique de prélèvement et de congélation.

Cinq CRB labellisés IBiSA participent à cette mission : la Cryobanque nationale (CBN), spécialisée dans la cryoconservation de matériel reproductif, aBRIDGe-Biobanque, dédiée à la conservation à long terme de tissus et de ressources génomiques, CARARE en Guadeloupe, qui conserve l’ADN et les semences de races créoles, CryAnim, qui joue le rôle de cryobanque pour les chiens, mais aussi en partie pour les lapins, et Cani-DNA, qui dispose d’une large collection d’ADN provenant de toutes les races de chiens, auxiliaires de l’élevage ou compagnons de l’homme.

Ensemble, ces centres forment un réseau complet réuni autour d’un portail commun, permettant aux utilisateurs, éleveurs, entreprises et chercheurs d’accéder aux échantillons disponibles selon l’espèce ou le tissu souhaité. Mais vous l’aurez compris, stocker n’est qu’un pan de leur activité.

L’autre enjeu est de permettre la réutilisation des ressources, parfois des années plus tard, pour étudier une maladie, valider une méthode, ou réintroduire un caractère génétique disparu. Pour cela, l’échantillon est accompagné de données précises : origine, conditions d’élevage, date de prélèvement, âge de l’animal et localisation. Ces informations sont cruciales pour croiser les données génétiques et environnementales ou étudier, par exemple, les facteurs d’adaptation de certaines espèces au changement climatique.

Réagir aux crises, préserver l’avenir

Les CRB du réseau CRB-Anim maîtrisent un savoir-faire complexe mêlant biologie cellulaire et technologies de conservation. Cryoprotecteurs, contrôle de température au degré près, documentation rigoureuse : chaque étape compte pour garantir la qualité d’un échantillon, qu’il serve à la recherche ou à la reproduction.

Ces réserves biologiques, actives pour certaines depuis plusieurs décennies, sont des alliées précieuses en cas de crises sanitaires. Lors d’une récente épidémie de grippe aviaire, une souche locale de canard basque a par exemple frôlé l’extinction. Celle-ci n’existait que dans une zone confinée, sans échantillon conservé. Elle fait désormais partie des espèces précieusement enregistrées dans les CRB.

Toujours dans cette optique, les échantillons stockés permettent de retracer l’histoire d’une maladie émergente. Un virus latent qui s’exprimerait soudainement pourrait être détecté dans des prélèvements antérieurs, éclairant ainsi sur sa diffusion au fil du temps. Dans un monde marqué par les épidémies, le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources, les CRB sont donc des piliers de la résilience agricole.

Et leur utilité dépasse le cadre de l’élevage. Les outils développés pour les animaux de rente servent aussi à la recherche vétérinaire et biomédicale, chez le chien, le chat ou encore le cheval et les ânes. Les animaux de compagnie constituent un axe fort et tout aussi actif du réseau CRB-Anim. Car dans ces cuves pleines d’azote, ce n’est pas seulement du matériel qu’on conserve, mais bel et bien du vivant d’intérêt pour notre société.